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22 mars 2008

Les ressorts de Rossy

Une renaissance en exil

Véritable star à Madagascar, Rossy a fait le choix difficile de l’exil après la crise politique qu’a traversé son pays en 2002. Le chanteur a mis à profit ses six années en France pour consolider sa carrière et s’apprête à remonter enfin sur scène devant le public de la Grande Île, quelques mois après avoir fait paraître son nouvel album Ino Vaovao ?

Il n’a pas douté un seul instant de la réaction de ses compatriotes et il avait raison. Le succès instantané remporté par Ino Vaovao ? dès sa sortie en octobre 2007 sur le marché malgache en dit long sur la popularité que Rossy a conservée dans son pays. En dix semaines, son nouveau disque s’est hissé en tête des ventes annuelles sur la Grande Île. "J’ai toujours été premier quand j’entreprenais quelque chose", ne manque pas de rappeler le chanteur qui a régné sans partage sur la scène nationale durant une grande partie des années 90 avant d’en être totalement absent depuis six ans.

Un long silence moins choisi que subi : en 2002, persuadé que la profonde crise politique dans laquelle était alors plongé Madagascar trouverait rapidement une fin, l’artiste s’envole vers Paris pour un court séjour afin de s’éloigner de la tourmente. Mais la donne change soudain avec la victoire de Marc Ravalomanana. Sans être officiellement inquiété, Rossy comprend que le nouveau régime au pouvoir pourrait bien lui faire payer son soutien sans faille et sa proximité avec l’ancien chef d’Etat Didier Ratsiraka. Il préfère ne pas repartir "C’était une décision très dure de rester en France, je n’avais pas du tout prévu l’exil", reconnaît-il.

Si les premiers temps sont un peu difficiles pour le moral, l’homme n’est pas de ceux qui se découragent facilement. Avec la même énergie qui lui avait permis à Madagascar de grimper l’échelle sociale à la vitesse d’un ascenseur, il s’emploie à faire rebondir sa carrière dans son pays d’accueil. Il est conscient qu’il doit y faire ses preuves bien qu’il ait chez lui le statut de star, capable de remplir des stades et de monter les projets les plus fous comme cette caravane itinérante qui réunissait 200 artistes.

Très vite, il reforme une équipe avec d’anciens musiciens venus également vivre en France. Dans le Berry où il s’installe, il gagne l’appui des institutions locales, convaincues de son talent et sûrement séduites par ce personnage fonceur qui ne manque ni d’aplomb ni d’humour. Il crée à Issoudun le festival international d’accordéon – son instrument de prédilection – qu’il rêvait d’organiser à Antananarivo, donne régulièrement des concerts pour la communauté malgache, renoue des liens avec Peter Gabriel qui avait produit en 1991 son album Island of Ghosts sur le label Real World, suit une formation de régisseur pour parfaire ses connaissances dans ce domaine… Grace aux JMF (Jeunesses Musicales de France), il tourne en France durant deux saisons pour jouer devant des classes de primaire un conte musical qu’il a intitulé Imanga et le taxi brousse.

"Quoi de neuf ?"

Lorsqu’il a l’opportunité d’entrer en studio, il s’y enferme pendant un mois pour enregistrer les douze chansons d’Ino Vaovao ?, destinées avant tout au public malgache. Tout en restant fidèles à son style qui fait la synthèse des spécificités musicales de chaque région du pays, ses nouveaux morceaux ont retrouvé une saveur qu’ils avaient perdue en cédant aux sirènes pop. "Je suis revenu à la source. Moins de synthé, plus d’accordéon. On a même mis de la cornemuse, des cuivres…", souligne Rossy. Dans la chanson-titre, qui signifie "quoi de neuf ?" en malgache, il ne peut s’empêcher d’évoquer les rumeurs dont il a fait l’objet dans son pays : "Il paraît que tu es milliardaire(…) Il paraît que tu es chauffeur livreur (…) Il paraît que tu es sans papier."

Sans se faire annoncer, il se décide à revenir à Madagascar pour quelques jours en septembre dernier. Dans l’avion, certains passagers craignent que sa présence à bord ne pose problème à l’arrivée. L’accueil est tout autre : "A l’aéroport, les policiers et les gendarmes m’ont serré dans leurs bras. Ça m’a touché. Au marché, il y avait presqu’une émeute : tellement de gens qui voulaient me toucher, me parler." Dans la capitale, il a retrouvé son quartier de Mahamasina, au pied de la falaise dominée par la carcasse du Palais de la Reine. C’est là qu’il habite et qu’il possède son studio, où dort depuis six ans le matériel qu’il n’a jamais utilisé et qu’il avait acquis pour se produire dans les endroits les plus reculés de l’île.

"Aller en brousse, c’est le projet de ma vie", confie Rossy. Il ne l’a pas abandonné, mais ne veut pas aller trop vite. Dans les prochaines semaines, il profitera d’abord de ses retrouvailles avec son public lors des concerts qu’il donnera à Antananarivo, Fianarantsoa, Majunga, Ambatondrazaka et au festival Donia à Nosy Be. Prudent, il ne parle pas encore de retour définitif sur sa terre natale. "Je ne pose plus ma vie en ces termes-là", affirme-t-il. Avant de lancer en souriant : "J’ai changé. J’ai appris à me taire."
Rossy Ino Vaovao ? (Pro Rossy) 2007

Bertrand Lavaine / Paris 21/03/2008 -

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