Articles review on the net, revue d'articles sur la toile


Inscription : feeds, flux :
(Atom) Gabriel Real World News

08 juillet 2007

Le succès fragile et coûteux de Musiques métisses

Sans tambour ni trompette, sans discours ni paillettes, le festival Musiques métisses d'Angoulême fêtait, du 1er au 5 juin, sa trentième édition. Une modestie à l'image de son directeur, Christian Mousset, ancien disquaire à Düsseldorf puis instituteur en Algérie, qui s'est installé en 1971 dans la cité charentaise. Fan de rhythm'n'blues et de soul music, il avait créé la manifestation en 1976 sous le nom de Jazz en France.

La découverte de l'Afrique noire en 1982, l'amour des musiques caraïbes ont rapidement bouleversé son identité. Pendant trois décennies, Musiques métisses aura porté — plus qu'accompagné — l'émergence de ce que, par commodité ou paresse, on nomme les"musiques du monde" et leur diffusion auprès du plus large public.

Musiques métisses a largement contribué à la vedettarisation de talents découverts sur les bords de la Charente, comme Cesaria Evora ou Johnny Clegg, vedette de la soirée d'ouverture avec ses compatriotes, les Mahotella Queens. Ces victoires ne sauraient cependant masquer les difficultés financières et logistiques de ce rendez-vous, sensible, par sa nature même, aux aléas politiques et circulatoires.

Car il se trouve que deux des plus importantes maisons de disques indépendantes françaises du secteur — - Next Music et Mélodie - — mettent la clé sous la porte. Il se trouve encore que Musiques métisses, qui fonctionne avec quatre permanents à l'année, peine à boucler le budget de cette trentième édition. En raison de deux désistements, celui de l'Adami (la Société civile pour l'administration des droits, des artistes et des musiciens interprètes) et celui du mécène France Télécom, qui apportait 50 000 euros. Autre coup dur, l'annulation du concert de Cesaria Evora pour raisons de santé. Si la somme de 1,2 million d'euros a finalement pu être réunie, Musiques métisses reste tributaire à 60 % des subventions (ville, département, région, Etat). Sa part d'autofinancement est faible — - 25 % —-, la moitié environ de celle des Francofolies de La Rochelle. Soucieux de cette dépendance, Christian Mousset souhaite augmenter ses fonds propres à hauteur de 40 %. Au prix d'un renoncement à l'un des principes fondateurs du festival, la gratuité de certains concerts.

Musiques métisses lutte en effet pour la démocratisation de l'accès aux musiques du monde. "Avec les concerts gratuits, je me fais ma propre concurrence, note Christian Mousset. Les gens de mon conseil d'administration aimeraient que je sois plus rigoureux dans mon approche financière. La gratuité n'est pas viable économiquement, elle permet de faire partager au plus grand nombre. Son abandon nous coupera d'une partie du public, celui des quartiers. L'idéal serait un site avec un droit d'entrée modeste, comme c'est le cas au Womad - World of Music Arts and Dance, organisation de promotion des cultures du monde fondée par le chanteur britannique Peter Gabriel -."

Ville de plus de 100 000 habitants, Angoulême abrite des communautés d'origine maghrébine (elle a hébergé un camp de harkis), ouest-africaine et comorienne. A l'année, Musiques métisses mène des actions auprès des populations défavorisées (notamment dans les lycées) tout en défendant le commerce équitable et le développement durable.

Comment concilier ces interventions sociales et les contraintes économiques d'un festival ? L'inflation des frais fixes, comme ceux de gardiennage et de sécurité, pèse lourdement. Heureusement, le festival a su s'attirer la sympathie des tourneurs (Mad Minute Music, Vivement ce soir, Caramba ou VO Music) qui lui consentent des réductions sur les cachets des artistes. "Aucun ne dépasse 20 000 euros - prix payé pour Johnny Clegg et Kassav' -, confie Christian Mousset. Et personne ne touche le smic." Le cachet le moins élevé (6 000 euros) est celui du Malien Djelimady Tounkhara.

AUCUN PRIVILÈGE

Il faut ajouter l'hébergement, la nourriture, parfois l'équipement. Christian Mousset a pu acheter des guitares et des amplificateurs à des musiciens qui sont repartis avec. Enfin, il y a les transports, dont le coût a considérablement augmenté avec la position quasi monopolistique d'Air France sur l'Afrique de l'Ouest. Le festival ne bénéficie d'aucun privilège alors que la compagnie belge Sabena accordait des réductions sur ses vols de l'ordre de 50 %.

"Si vous voulez faire venir un Congolais, il vous en coûte 1 500 euros pour l'aller-retour, résume Christian Mousset. Sans parler de cette forme de racket avec les tracasseries administratives, la photo qui n'est pas conforme, etc." Accordés à la tête du client, les visas menacent directement la venue des artistes. "Il suffit que deux musiciens camerounais ne rentrent pas pour que cela bloque tous les autres, rappelle Christian Mousset. Je leur conseille toujours de retourner au pays. Surtout si c'est un guitariste de plus ou un joueur de djembé. Il y a trop de concurrence en France."

Comment ne pas céder à la tentation de l'émigration ? "En dix jours, ces musiciens touchent en France l'équivalent de ce qu'ils gagnent chez eux en vingt mois, estime Mousset. A cause de la piraterie, il n'y a plus de travail dans les studios en Afrique." Et de rappeler cette triste réalité : "Un musicien qui joue dans une boîte de nuit de Kinshasa touche entre 1 et 2 euros par soir."

www.musiques-metisses.com.

Aucun commentaire: