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04 juillet 2005

M6 et la dépendance

LE MONDE 04.07.05

L 'Afrique serait-elle virtuelle ? En tout cas, M6, opérateur français du Live 8 avec NRJ, n'a pas poussé l'amour du continent noir jusqu'à sacrifier des parts de marché acquises grâce à Smallville et Largo Winch, qui passèrent d'abord le 2 juillet.

Présentateur confiné aux coulisses, Laurent Boyer annonçait les écrans publicitaires ­ - Nokia, l'un des sponsors officiels du Live 8, en tête. Puis les dosettes jetables pour café instantané, voitures high tech et jus de fruits reconstitués, de quoi faire avancer la cause africaine et le commerce équitable ! A lire les programmes de télévision, il y aurait eu ce jour-là Renaud, Johnny Hallyday, Manu Chao à Versailles.

Il y avait tromperie sur la marchandise : ces trois-là n'ont jamais manifesté la moindre velléité de se présenter aux portes du château où fut élaboré, en 1685, le Code Noir de Colbert, qui commençait ainsi :
"Comme nous devons également nos soins à tous les peuples que la divine Providence a mis sous notre obéissance..."

Où en sommes-nous de la dépendance ? Evénement télévisuel, le Live 8 s'est attiré l'ire des musiciens africains. Mal filmé, mal ficelé, le concert vu par la lucarne M 6 était un assemblage de chansons sans feu ni lieu, mises bout à bout, avec slogans imprécis ­ - "Plus d'excuses". D'excuses à quoi ? Zapping à Londres pour la reformation, pâlichonne, de Pink Floyd, "le plus grand groupe de rock du monde" avant U2 : Roger Waters, rondouillard au crâne d'œuf, David Gilmour, grande gigue à la morgue affichée.

Le temps passe. Sur le mur noir et blanc qui servit de pochette au manifeste abrasif et révolutionnaire que fut The Wall, un autre slogan pris dans le florilège bobgeldofien : "A bas la pauvreté".

Les Africains d'Afrique étaient pendant ce temps dans la profondeur des Cornouailles devant 5 000 spectateurs aux pieds nus. Avec Peter Gabriel en chef de file, l'une des rares rock star à avoir pensé que le continent se sauvera en travaillant et qu'il est bon de l'y aider ­ - comme il l'a fait avec le festival Womad, créé en 1987, et son label RealWorld.

La fête était planétaire, il eût fallu la suivre sur Internet plutôt que sur les vieilles télévisions. Sur aol. fr, par exemple, en temps réel et à la carte. De quoi estomper la vacuité étalée et de lire en creux ce que le Live 8 aurait pu réussir : que Bob Geldof serrât la main au bluesman Ali Farka Touré, maire de Niafounké, plutôt qu'à Bill Gates, ou que Bono invitât un Nègre mal connu à partager, trois minutes durant, une parcelle de sa gloire.

Véronique Mortaigne

Article paru dans l'édition du 05.07.05

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